La création comme force d’expression, de dénonciation et de sensibilisation
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Les allégations de harcèlement, à la fois psychologique et sexuel, des derniers jours aux États-Unis et au Québec, n'ont rien pour redorer l'image des artisans parmi les plus influents dans le monde du cinéma, de la télévision, du spectacle, des médias ou des communications.
Est-il besoin de nommer ces gens - qui baisent mal est mal baisé -, alors qu'ils ont connu à eux-seuls au cours de leur carrière plus de couverture médiatique que des dizaines, voire des centaines d'artistes réunis, toute discipline confondue ?
Gagner sa place au soleil dans le secteur des arts et de la culture reste pour d'aucuns une panacée, si ce n'est une question ou une affaire de conviction, surtout si l'on considère le trop peu d'importance accordée à la culture en général, et ce même en période électorale, tant municipale que provinciale.
Sans vouloir tuer ou le message ou le messager, rappelons ici que trois ministres en culture sous le gouvernement du Parti libéral de Philippe Couillard, en moins de quatre ans et à la veille de déposer la nouvelle politique culturelle, qui a exigé son lot de consultations, ou ben donc, c'n'est pas ben ben fort ou ben c'est ben ben révélateur !
Si bien que se lancer aujourd'hui dans l'art social ou dans l'art engagé, c'est se prémunir et posséder encore plus de nerf derrière la cravate. Encore plus, en effet, si on se mêle de dénoncer la violence faite aux enfants, aux filles, aux femmes, aux sœurs, aux mères, aux passeuses de générations et d'humanité!
Or, le sujet ne pouvait tomber mieux pour le théâtre des Petites Lanternes de Sherbrooke, car l'humain est au cœur de sa pratique théâtrale : « L'humain, celui qui cherche, qui doute, qui chante, qui se tait, qui se révolte (...) Faire en sorte que notre travail de création se fasse de concert avec celles et ceux qui vivent petites et grandes histoires d'humanité, voilà ce qui nous guide. Voilà pourquoi nos créations sont engagées artistiquement et socialement, à n'en pas douter.»
Organisme fondé il y a une vingtaine d'années, mais toujours en quête d'une aide financière au fonctionnement plutôt qu'au projet, ce théâtre a fait de l'intervention sociale son fer de lance et son cheval de bataille. Pas moins de cinq types de création en consolident la trame de fond : les Grandes Créations, la Grande Cueillette des mots, les Créations partagées, les Résidences théâtrales de créations et le Théâtre de paysage, lesquels interpellent, provoquent, questionnent et transforment, peu s'en faut.
Pour l'heure, à la demande d'Oxfam-Québec, l'équipe d'Angèle Séguin et de Kristelle Holliday, à la barre, planche sur un projet international avec le Congo. Objectif : mener à terme la prochaine production du groupe congolais, avec pour processus intégrateur ce que les Petites Lanternes ont développé de plus collaboratif et de participatif, la désormais célèbre Grande Cueillette des mots.
Après notamment Comme un grand trou dans le ventre, une cueillette réalisée en 2015 comme exutoire auprès des familles éprouvées de Lac Mégantic, et une autre, tout aussi significative, mais très différente, Mutation, produite en 2013 pour la programmation culturelle des Jeux du Canada à Sherbrooke, voici maintenant Le Laboratoire de recherche création Bongo Té, Tika!, portant sur la problématique des violences faites aux femmes et aux filles en République démocratique du Congo.
Dans cette foulée, le théâtre des Petites Lanternes accueille en résidence depuis près d'un mois une délégation afin de parfaire le travail de création amorcé en 2015. En plus de susciter des projets émergents propices à la sensibilisation citoyenne, ce projet pilote devrait se clôturer avec au moins 80 représentations dans quatre communes de Kinshasa, des mois de janvier à mai 2018.
Or, alors que la campagne ME-TOO fait boule de neige en cet automne radieux sur les médias sociaux, que le Carré-noir s'impose chez les femmes comme profil sur Facebook et que les dénonciations contre le harcèlement se multiplient à coup de mises au pilori, quelle sera la réception critique de Bongo Té, Tika!, et quelles seront les retombées de la production en lieu et place ?
Ces impacts, tout à la fois idéologiques, sociaux et artistiques, sont d'autant plus attendus que le projet touche un sujet sensible dans un pays où, par exemple, les échauffourées entre étudiants, la population et la milice sont légions, où d'intenses activités volcaniques sont observées à répétition dans l'est du pays et où des accrochages entre les citoyens et les Casques bleus se multiplient de jour en jour. Ils se font d'autant plus attendre que la démarche, somme toute, reste innovante et innovatrice pour les artistes congolais qui, comme passeurs de culture, ne connaissaient ni d'Ève ni d'Adam cette grande cueillette des mots si bienfaitrices pour certaines populations et citoyens du monde.
Ceux et celles qui ont un intérêt pour le processus de création derrière la Grande Cueillettedes mots et pour l'art social en général peuvent assister à la rencontre-échange de ce mardi 24 octobre, de 19 h 30 à 21 h 00, au Centre des arts de la scène Jean-Besré, avec l'équipe artistique congolaise. Ils peuvent également visionner la vidéo de la Fabrique culturelle pour en connaître davantage sur la démarche en cours.
Par Sylvie L. Bergeron |
Lundi, 23 octobre 2017
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